Accessoire textile accablant et inutile

publié le 14 janvier 2016

Le 9 Janvier 2016

Enfin la « chose » était arrivée. C’était le 9 de ce mois de janvier. On en était encore à se désespérer. Charlie hantait nos consciences mal menées, quelque part rodait Montrouge oubliée et un hyper casher mal surveillé. Bref, on ne se sentait pas bien à célébrer cette nouvelle année qui ne finissait pas de mourir de son passé.

Mais le colis était enfin arrivé… Oh, colis c’est beaucoup dire de le désigner ainsi… Non, c’était une simple enveloppe matelassée…anonyme dans son envoi…or, anonyme en ces temps incertains où le voisin côtoie le voyou si ce n’est l’assassin, anonyme donc veux dire méfiance, suspicion, contrôle, radiographie, scanner et tutti quanti.

Décollée avec une méfiance patiente mêlée d’une attente impatiente, l’enveloppe livrait une boite transparente bourrée d’un tissu noir et blanc à l’aspect quelque peu nauséeux, guerrier et chassieux. Deux indications contradictoires appelaient à la circonspection, sinon à l’appel aux pompiers, car qui mieux qu’eux pour sécuriser une conscience carbonisée par l’air du temps. Il restait cependant ce sens du ridicule, ce sens du devoir, cet héroïsme incontournable qui fait les bravades et conduit aux faux pas irrattrapables.

Lire d’abord les deux cartels antagonistes qui désignaient l’objet et décider ensuite de ce qu’il conviendrait de faire. L’agressivité de l’un, lettres noires sur fond rouge, quelque chose d’anar, d’explosif, quatre mots, « accessoire », « accablant », «  textile », « inutile », quatre mots provocants qui incitaient dangereusement à tirer le tissu du paquet. Nous voilà bien pensâmes nous en un instant où explosaient dans nos têtes saturées les munitions de tant de guerres non déclarées. Mais il y avait cette mise en confiance sereine, invitante : linogravure, sérigraphie, tissu, avec un identifiant rassurant, Cros pourtant. Et puis, 130 exemplaires ! Et là quelque part, on était fier d’en être l’un des attributaires…encore que, méfiance…Fleur de cactus 2015 était-il inscrit. Déjà, c’était l’année dernière, l’année honnie, n’était-ce pas un clin d’œil pervers ? De plus chacun sait que le cactus cache le venin de ses piquants derrière l’explosion carminée de sa fleur éphémère…Enfin, on se disait des choses comme ça…

Précautionneusement, le téléphone portable à coté de la main, nous tirâmes le tissu qui se développa hors de sa niche plastifiée. « Damned ! », c’était une ceinture qui n’était pas de chasteté, une ceinture d’explosifs… Non, une ceinture factice d’explosifs. Enfin pas vraiment, une ceinture d’explosifs explosés. Le travail avait été fait. Les corps noirs s’étalaient à la terre, allongés, accroupis et tordus. Et bizarrement ils dégageaient une certaine sérénité, c’est-à-dire qu’ils nous parlaient, que derrière une certaine désespérance ils vivaient. Se ceinturer de cette ceinture explosive qui n’exploserait plus jamais mais qui brusquement se teintait d’hommes rampants, venus d’une autre marée, glissants sur la grève mouillée d’une terre inutilement espérée…Oui, ils venaient là, que pouvaient-ils y faire, que pouvait-on faire ?…. Que pouvait-on se dire en ce début d’année où l’imprévisible côtoyait le désir de vivre.

Piotr

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