Ce soir là, il devait peut-être être sept ou huit heures, une humidité froide chargée de brume pénétrait la campagne. La cuisine rissolait du plaisir d’un poulet embroché chuintant sa graisse chaude, l’automne était en train de se terminer. Le fermier était entré, l’oeil un peu torve, lui d’habitude si direct et avenant. Il avait comme éructé, manifestement quelque peu alcoolisé: les allemands étaient là. Il les avait vus, statufiés au bout du pont de la Charité devant leur side car et leur auto verte à chenillette. Il se disait par ailleurs qu’ils étaient des centaines à Nevers, figés au hasard des rues, désœuvrés et tendus, les doigts tirant sur la dragonne de leurs fusils, muets, l’oeil aux aguets, hagards et comme surpris d’être là… Piotr (extrait de Le Battoué, une saison 43 du siècle dernier)