La Case Rouge

publié le 28 mars 2016

René Belbenoit fut l’un des rares rescapés du bagne de Guyane à livrer un témoignage détaillé sur les conditions inhumaines de détention dans l’enfer pénitentiaire de la République. Son livre publié en 1938 à Los Angeles sous le titre « Dry guillotine » a été réédité à La manufacture des livres en 2012. Il décrit ainsi la Case Rouge, l’un des plus sinistres baraquements de l’île Royale où étaient enfermés les « incos », les bagnards déclarés incorrigibles.

… Les cabinets du second peloton sont situés à l’extrémité du baraquement auquel les relie un étroit couloir long d’environ deux mètres. Il n’y a pas d’endroit au monde où, sur un espace aussi réduit, le sang ait coulé plus généreusement et où il y ait eu plus de meurtres. C’est là qu’on règle ses comptes, qu’on se venge, qu’on laisse éclater sa jalousie. C’est là qu’on dépouille un homme de son argent après l’avoir attaqué par surprise. Combien de fois durant mon séjour à la Case Rouge ai je été réveillé par un cri, combien de fois ai je entendu des gémissements de blessé se transformer en râles d’agonisant! Il arrive qu’une victime s’en échappe et vienne s’abattre entre les hamacs à la lueur falote de la lampe règlementaire. Personne ne se dresse contre l’agresseur. C’est la règle chez les forçats. Mais dans le noir on voit luire les yeux des amis de la victime qui déjà projettent de le venger. Lorsque, armés de lanternes et de revolvers, les gardes et les porte clefs s’engouffrent dans le baraquement, ils savent tout de suite où aller chercher le mort ou le blessé. Souvent en me rendant aux cabinets à une heure avancée de la nuit, j’ai trébuché sur un corps immobile et j’ai dû essuyer mes pieds nus tachés de sang visqueux, aux murs du corridor…

belbenoit

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